Retrouvailles (PV Charlie)

Stephen se passa une main sur le visage, épuisé. La journée avait commencé particulièrement tôt. Levé depuis 4h du matin et n'ayant presque pas fermé l'œil, le jeune interne avait compris bien vite que sa matinée s'avérerait chargée : son bipeur ne lui avait pas laissé une seule seconde de répit. Alors que les jours suivants son arrivée avaient été plutôt calmes, tout le monde semblait s'être donné le mot pour être victimes d'accidents aujourd'hui. La mine comme les urgences étaient particulièrement encombrées depuis l'aube, forçant le jeune italo-américain à enchaîner les aller-retours entre les différents points de l'hôpital. Ce ne fut que vers 11h que les évènements commencèrent à s'arranger un peu. Les victimes de l'accident de bus -dont heureusement très peu se trouvaient dans un état critique- avaient toutes été prises en charge et admises dans les services appropriés. Enfin une petite trêve pour permettre à Stephen de souffler. Ce dernier, peu enclin à se rendre en salle de repos malgré son intense lassitude, décida d'aller boire un café afin de se donner l'énergie nécessaire pour parvenir à terminer sa journée en conservant toutes ses capacités. Une fois sa boisson en main, et son tonus revenu, le jeune homme emprunta les couloirs désormais un peu plus paisibles jusqu'à l'entrée principale de l'hôpital. S'accoudant à l'accueil, il profita de sa pause pour discuter avec des collègues, savourant ce repos bien mérité.

Patients comme médecins déambulaient dans le hall, le tout dans un léger brouhaha. Stephen les observait, sirotant son cappuccino, heureux, malgré les heures intensives de travail, d'avoir décroché un poste dans cet hôpital. Il remarqua plusieurs internes -certainement des nouveaux- occupés à se présenter à l'accueil, remplissant des dossiers. De nouvelles recrues ? Fidèle à sa réputation, Stephen les détailla, curieux de voir s'il se trouvait parmi eux quelques charmantes demoiselles, peut-être de futures conquêtes...

J'étais nouvelle en ville tout comme nouvelle à Seattle. J'eus le privilège d'être intégrée en cours d'année dans le programme universitaire de médecine au Seattle Grace. C'était mon premier jour d'internat ! Comment me sentais-je ? Et bien, très excitée de pouvoir quitter ma vie d'étudiante pour faire ce pourquoi je me suis battue : Être médecin ! Dans un métier où l'apprentissage peut mener les patients à la vie comme à la mort. Et en même temps, je redoutais cet instant où je pénétrerai à l'intérieur du bâtiment. Là- où on ne me traitera plus comme une enfant, je serai un médecin comme un autre !

Va savoir pourquoi, je ne devais pas me présenter avant onze heures du matin à l'hôpital. Il y aurait toute la paperasse impossible et inimaginable à remplir avant d'être officiellement membre à part entière de la nouvelle équipe d'internes. J'ignorai combien nous serions et cela n'avait pas vraiment d'importance. J’espérai simplement me faire de nouveaux amis. On ne peut pas dire qu'à la fac, j'eus le loisir d'avoir des camarades... Je bossais tellement !

« Aller princesse, tu vas être en retard pour ton premier jour ! » - Aboya mon père depuis le rez-de-chaussée.

Devant mon miroir dans la salle de bain, j'inspirai profondément. Étais-je prête pour ça ? Serais-je à la hauteur ?... Enfin et surtout ; Craquerais-je sous la pression de ce premier jour ? Bref... Je passai ma main dans mes cheveux une dernière fois avant m’empresser le pas vers la cage d'escaliers.

« C'est bon, je suis prête ! » Dis-je en m'adressant à mon géniteur qui m'attendait de pieds fermes en bas des marches.

Je l'embrassai, il me souhaita bonne chance pour cette journée et je filai...

J'arrivai rapidement à l'hôpital, inspirai une grande lampée d'oxygène avant de pénétrer dans l'enceinte hospitalière. Je me dirigeai vers l'accueil où je recevrais mes premières consignes. Je remarquai de ne pas être la seule interne et d'un sens ça me rassura. Je souris à la dame de l'accueil:

« Bonjour, Charlie Gallaway, je suis une nouvelle interne. »

Je reçu quelques formulaires à remplir tandis que je ne pu m'empêcher d'être distraite. J'étais impressionnée de l'immensité du hall ainsi que part le va-et-vient en continu. Je sentis vivement que ma journée allait être chargée...

Stephen, s'étant bien vite désintéressé des nouvelles recrues, avait déjà reporté son attention ailleurs, soulagé de ne plus être interrompu sans cesse par son bipeur. Il adorait son job, mais il fallait bien admettre que le travail demandé était impressionnant...et relativement fatigant.

Écoutant d'une oreille distraite les conversations entre la secrétaire et les internes tout récemment arrivés, le jeune homme ne put manquer l'information :
- Bonjour, Charlie Gallaway, je suis une nouvelle interne.

Stephen demeura tout d'abord interdit quelques instants. Charlie Gallaway ? Sa Charlie ? Non, ça n'était tout simplement pas possible. Après tout ce temps ? En même temps, des Charlie Gallaway, il n'y en avait pas des masses... Il avait dû mal comprendre, il n'y avait pas d'autre explication. Et puis, la seule manière de vérifier, c'était de se retourner. C'est ce que finit par se décider à faire Steph', d'un bloc, tétanisé. La brunette qui venait de parler se tenait de profil, aussi, elle ne le remarqua pas. Et pourtant, si la jeune femme n'était pas la Charlie qu'il connaissait, elle lui ressemblait fortement. Bon, près de 13 années s'étaient écoulées depuis qu'il avait était partit de chez lui, 13 ans qu'il ne l'avait plus vue. Mais une telle ressemblance, c'était plus que frappant ! Et, à moins qu'il ait mal compris, elle avait dit s'appeler Charlie Gallaway. Et Stephen se souvenait clairement, à présent, que, depuis qu'elle était petite fille, Charlie voulait être médecin. A ce niveau là, pas de coïncidence possible. Il fallait se rendre à l'évidence : c'était bien sa cousine qui se tenait devant lui.

Le fait de la retrouver ici était tellement surprenant que le jeune homme ne parvenait pas à se persuader qu'il s'agissait bien là de sa cousine. Il ne songea donc pas une seconde à ce qu'il lui dirait, s'il avait vu juste. S'il avait été totalement certain de la véracité de la situation, il serait probablement parti, choisissant un autre moment pour lui adresser la parole. Mais, trop surpris pour songer à ce genre de chose, il préféra en avoir le coeur net immédiatement. Afin qu'aucun doute ne soit permis, le jeune italo-américain, prenant son courage à deux mains, prononça à mi-voix le nom de la fille plongée dans ses formulaires, sur un ton hésitant :
- Char... Charlie ?
Là, au moins, il aurait sa réponse, serait absolument certain de ne pas s'être trompé de personne.

J'étais vraiment impressionnée de cet endroit. Immense et très lumineux. Je doutai de garder ce même état d'esprit encore très longtemps. Sachant où je mettais les pieds... ça ne risquait pas d'être aussi palpitant que maintenant ! Je n'avais pas encore choisi de spécialisation pour l'instant, bien que j'eus un penchant pour la pédiatrie depuis toujours. Enfin... toujours est un grand mot. Sans doute parce que j'avais abandonné la seule personne qui compte réellement pour moi aujourd'hui. Je ne m'en étais jamais rendue compte jusqu'à récemment. Quand j'ai su que j'étais enceinte, la première chose que je voulais faire, c'était avorter et ne plus jamais y repenser. Mais quand j'ai su qu'il était trop tard pour cela, j'ai demandé conseil à mon père. Nous avons choisi l'adoption ouverte. J'ignorais encore que cela me fera souffrir autant. Et Nate... Nos longues conversations me manquent. Mais j'ai fait un choix, je dois l'oublier... Je dois oublier ce petit garçon qui fût le mien un court moment. Tandis que la sage femme me posait ce minuscule bébé sur la poitrine, j'ai su en moi-même que je prenais une sage décision. Il serait entouré d'une vraie famille qui prendrait bien soin de lui et l'aimerait plus que tout au monde. Je n'aurai pu lui offrir quoi que ce soit à l'époque. J'étais jeune et totalement incapable de le regarder sans revoir ces images de honte. Cette honte qui m'habite depuis une dizaine d'années et qui me hantera pour le restant de mes jours. Je n'oublierais jamais ce que j'ai subi cette nuit-là mais aujourd'hui, je sais faire en sorte que cette... chose, s'atténue et ne me bouffe pas la vie au quotidien.

Partiellement attentive sur mes formulaires à remplir et mes souvenirs, une voix masculine brisa ma rêverie. Je me tournai vers cette personne qui prononça mon prénom. Pendant un long moment, je ne pus le reconnaitre et l'observai d'un œil attentif. Vêtu d'une tenue de médecin et tenant un gobelet de liquide chaud -un café sans doute à la main, son visage ne me parus pas inconnu. Je l'avais déjà vu quelque part. Mais où ? C'était la question. Je haussai les épaules et lui répondis:

« Est-ce qu'on se connait ? Vous me dites quelque chose... »

Oui vraiment, cet homme me rappelai quelqu'un de familier. Il resta silencieux en m'observant. Sans doute attendait-il que ça me fasse tilt dans ma tête ? Et puis, un grand sourire s'étira sur mon visage. Cette fois, je sus que c'était mon cousin. Stephen ! Je ne l'avais pas vu depuis tellement d'années et pour vous dire j'ignorai exactement le nombre. J'étais simplement surprise de le voir ici.

« Stephen ! Je... Wouahh t'as grandit » Dis-je, surprise.

Nous n'étions que des gosses la dernière fois que nous nous étions vu et maintenant, il était plus grand que moi ! J'étais légèrement plus grande malgré notre différence d'âge. C'était rigolo ! Un bon souvenir de notre enfance fît surface sans que je ne puisse le contrôler. Stephen passait les vacances à la maison à Savannah. Nous étions dans le jardin à nous battre avec des bombes à eau. Je me souviens avoir perdu la bataille et du me faire gronder par mon père qui refusait de me changer de vêtements. Bref... Je souris à Stephen et repris:

« Enfin, je veux dire... Je suis ravie de te revoir ! Tu es médecin ? Génial ! »

Quand il l'appela, la fille se retourna, ce qui prouvait au moins qu'elle s'appelait bien Charlie. Et puis, ce visage, il n'aurait pas pu l'oublier. A présent, il était certain qu'il s'agissait bien de sa cousine. La jeune femme, elle, ne sembla pas le reconnaître tout d'abord. L'hésitation se lisait sur ses traits et elle avait l'air de réfléchir intensément, cherchant dans les méandres de sa mémoire si elle avait déjà vu oui ou non ce garçon.

Finalement, son visage s'éclaira et elle adressa un franc sourire à Stephen. Elle paraissait toute surprise de le voir ici et il en était de même pour le jeune homme, ne s'étant pas du tout attendu à voir un jour débarquer celle qu'il n'avait pas revu depuis tant d'années dans l'hôpital où il était lui-même interne !

Charlie lui assura qu'elle était ravie de le revoir et cela lui réchauffa le coeur. A vrai dire, bien qu'il espérait qu'elle réagisse de cette manière, il s'était plus attendu à des reproches de la part de la jeune fille, pour l'avoir abandonnée sans un mot, il y avait 13 ans de cela. Mais, après tout, ils venaient juste de se retrouver. Il était donc sûrement normal qu'elle ne l'accable pas alors qu'il avaient à peine eut le temps de se saluer.

- Toi aussi tu as grandi ! Tu as...changé !
En effet, Charlie n'était plus l'adolescente qu'il avait quitté voilà près de 13 ans, mais bien une jeune femme désormais.

Stephen lui sourit. Il n'aurait su dire à quel point elle lui avait manqué ! Et même s'il brûlait de la serrait dans ses bras, il se contint. Il n'était pas vraiment quelqu'un de démonstratif et il ne savait si Charlie était aussi heureuse que lui de ces retrouvailles. Aussi, il se contenta de lui répondre :
- Moi aussi, ça me fait très plaisir de te revoir. Et oui, comme tu vois, je travaille ici ! Enfin, en tant qu'interne.

Il se tut, ne sachant absolument pas quoi dire de plus. A vrai dire, il ne s'était pas vraiment préparé à rencontrer sa cousine, dont il était resté sans nouvelles pendant une quinzaine d'années, durant sa pause café. Finalement, il ajouta :
- Et, sinon, ça va toi ? Ça fait longtemps, hein ?
Il se maudit intérieurement de poser des questions aussi lamentables. Des siècles qu'il ne l'avait plus vue et tout ce qu'il trouvait à lui demander, c'était comment elle allait !